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Par: natureplus On: mai 05, 2021 Dans: actualites Commentaires: 0

La société d’exploitation forestière Pallisco (Cameroun) a mis en place des patrouilles régulières de surveillance de la faune au sein de sa concession, suivant une approche dénommée « Recce », consistant à patrouiller selon des chemins de moindre résistance en forêt. En analysant les données accumulées par ces patrouilles, Nature+ et les aménagistes de Pallisco ont pu contribuer à confirmer les observations d’autres auteurs : la biodiversité, notamment mammalienne, reste qualitativement et quantitativement importante dans les concessions aménagées et certifiées si la surveillance y est maintenue. De telles concessions constituent donc des espaces complémentaires aux aires protégées en matière de conservation de la biodiversité des forêts denses humides tropicales.

Publication « The reasons great ape populations are still abundant in logged concessions: environmental drivers and the influence of management plans »

(Les raisons de l’abondance notable des grands singes dans les concessions exploitées : déterminants environnementaux et impact des plans d’aménagement)

Les patrouilles de surveillance des activités illégales de Pallisco explorent l’entièreté de la concession chaque année. Les données géoréférencées ainsi collectées constituent une précieuse source d’orientation et d’adaptation des stratégies de gestion de la faune locale.

L’équipe de Nature+ et les responsables de Pallisco en charge de ce volet se sont penchés sur les données de grands singes (chimpanzés et gorilles) ainsi accumulées, en les superposant avec les caractéristiques des milieux physique (relief, type de végétation, réseau hydrographique, etc.) et humain (proximité des villages et champs de cultures vivrières, densité de route, etc.). Une modélisation de l’habitat préférentiel des grands singes, à l’échelle de la concession, a également été effectuée afin d’identifier les zones convenant potentiellement aux besoins de ces primates.

Si les gorilles et les chimpanzés semblent être présents sur les mêmes types forestiers (représentant 62% de la concession de Pallisco), leurs préférences en termes d’habitat forestier affichent des différences :

  • Les gorilles s’installent plus près des cours d’eau que ne le font les chimpanzés. De fait, les populations de gorilles sont plus présentes dans les zones offrant de plus grandes densités hydrographiques ;
  • Les chimpanzés résident davantage sur les pentes que les gorilles ;
  • Tandis que les chimpanzés évitent la proximité avec les villages et les milieux anthropisés, une fraction notable de gorilles s’observe au contraire près de tels milieux ;
  • Enfin, les gorilles sont plus présents dans les zones à forte densité routière que ne le sont les chimpanzés.

Un autre résultat important de l’étude a été de révéler l’impact de l’aménagement durable, plus spécifiquement l’impact des pratiques d’exploitation à impact réduit (EFIR), sur les habitats des grands primates. Pour ce faire, les habitats a priori favorables aux populations des grands singes ont été superposés à l’historique d’exploitation de la concession, en considérant l’année 2003 comme année charnière : c’est en effet en 2003 que les pratiques d’exploitation à faible impact (cartographie précise des ressources exploitables, voirie forestière, abattage contrôlé, restauration des sites dégradés, etc.) ont pris de l’essor dans ce massif forestier. Les résultats montrent que :

  • Les zones favorables aux populations de grands primates sont notées en grande majorité dans les habitats inexploités ou exploités après 2003 (81% des zones favorables) ;
  • En conséquence, la majorité des zones peu adaptées aux besoins des grands singes se trouvent dans les assiettes de coupe exploitées avant 2003.

L’influence positive de l’aménagement forestier sur les habitats (et donc les densités de population) des grands singes a déjà été révélée par quelques autres études, notamment en République du Congo. Un ensemble d’autres travaux prouvent également que la biodiversité en général (mammifères, oiseaux, plantes, invertébrés, etc.) est presque aussi bien maintenue dans les concessions aménagées (ou certifiées) que dans les aires protégées, sous certaines conditions. La conclusion qui en découle est le rôle central et avéré de ces concessions pour la préservation de la biodiversité, en complément de l’effort déployé dans les aires protégées.

Les résultats détaillés de cette étude sont accessibles dans un article paru dans la revue « Forest Ecology and Management ». L’article peut être demandé aux représentants de Nature+ et Pallisco, ou, il peut être téléchargé à l’adresse :

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0378112720316807